Zoom sur le contrat de Fiducie : un outil juridique méconnu, au service du créancier et du débiteur
Le contrat de fiducie, introduit par une loi du 19 Février 2007 remaniée depuis par trois textes successifs de 2008 et 2009, est dicté par la croissante mondialisation des échanges juridiques. Ce type de contrat, déjà existant en droit anglo-saxon avec le système du Trust, est défini par l'article 2011 du Code civil comme étant "une opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires".
Le contrat de fiducie s'analyse en une affectation de biens où celui qui reçoit un ou plusieurs biens (le fiduciaire) devra les affecter à un but particulier et déterminé que lui impose celui qui opère le transfert, désigné comme étant le constituant. La fiducie s'analyse en la création d'un patrimoine fiduciaire distinct du patrimoine personnel du bénéficiaire du contrat de fiducie et contrevient à de nombreux principes ancrés dans la tradition juridique française selon laquelle une personne ne possède qu'un seul et unique patrimoine. Mais, rappelons le, cette technique juridique est issue du droit anglo-saxon plus souple sur ce point.
On peut aisément distinguer deux types de contrats de fiducie : celui ayant pour objet la gestion d'un bien et celui ayant pour but d'affecter un ou plusieurs biens à titre de sûreté.
I - Le contrat de Fiducie-Gestion.
Dans cette configuration, le constituant va confier un ou plusieurs biens à un tiers afin que ce dernier les gère pendant une période déterminée par le contrat. A l'issue du terme contractuellement fixé, le fiduciaire restitue les biens ou les transfert à une autre personne, selon les dispositions du contrat initial.
Dans cette dernière hypothèse, la transmission ne peut être effectuée qu'à titre onéreux puisque le principe de la fiducie à titre de libéralité n'est pas admise en droit français et fait l'objet d'une nullité d'ordre public (art. 2013 du Code civil).
II - Le contrat de Fiducie-Sûreté.
Ce type de contrat est très utile et permet à une personne débitrice d'une autre de remettre à titre de fiducie un bien meuble (art. 2372-3 du Code civil) ou immeuble (art. 2488-1 et suivants du Code civil), en propriété, à son créancier qui devient le fiduciaire. Si le paiement intégral est effectué dans les temps, le débiteur constituant récupère l'ensemble des biens placés en fiducie.
A défaut, le créancier fiduciaire conserve la pleine propriété des biens placés en fiducie. La valeur des biens s'impute sur le montant de la dette. En cas de vente, le produit est affecté au remboursement de la dette du constituant et l'éventuel boni issu de la vente desdits bien doit lui être restitué.
Le créancier fiduciaire peut également louer au débiteur les biens placés en fiducie, notamment lorsqu'il s'agit d'un immeuble, les loyers s'imputant alors sur la dette.
III - Les avantages de la Fiducie par rapport au mandat de gestion.
Trois avantages se dégage de ce type de contrat :
Stabilité : le contrat de fiducie prend fin au terme de la période fixée ou de la réalisation du but convenu. Le pouvoir du mandataire en revanche, est précaire puisque le mandant peut le révoquer à tout moment, même en cas de stipulations où le mandat est irrévocable.
Exclusivité : même si le mandat est exclusif, le mandant reste propriétaire des biens donnés en gestion et peut donc les gérer lui aussi. A l'inverse, une fois les biens donnés au fiduciaire, le constituant ne peut plus les gérer puisque le fiduciaire en devient propriétaire.
Généralité : le mandat conclu avec des termes généraux ne vaut que pour des actes d'administration tandis que la fiducie repose sur un transfert de propriété. Le fiduciaire peut disposer des biens qu'il reçoit, sauf si le contrat stipule le contraire. Cependant sur ce point le mandat peut être aménagé afin de créer les mêmes effets qu'un contrat de fiducie.
IV - Quelles sont les modalités pour conclure un contrat de fiducie ?
Depuis 2009, quiconque, personne physique ou morale, peut constituer une fiducie. Il s'agit cependant d'un acte de disposition impliquant qu'il est nécessaire d'avoir la capacité juridique pour le faire. La fiducie peut porter sur des biens, droits ou suretés. Les biens peuvent être meubles ou non, corporels ou non (licence de débit de boisson par exemple).
Le fiduciaire en revanche ne peut être n'importe qui, le législateur ayant sélectionné limitativement les personnes et organismes qui peuvent être désignés comme tel par le constituant : il ne peut s'agir que des établissements de crédit mentionnés au I de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, des institutions et services énumérés à l'article L. 518-1 du même code, des entreprises d'investissement mentionnées à l'article L. 531-4 du même code, des sociétés de gestion de portefeuille ainsi que des entreprises d'assurance régies par l'article L. 310-1 du code des assurances.
Depuis 2009, les avocats peuvent également être désignés fiduciaires et il serait opportun d'étendre cette possibilité à la profession d'Huissier de Justice qui, de part sa polyvalence et sa proximité avec la matière via la gestion d'immeuble notamment, constituerait un choix de proximité pour celles et ceux qui envisagent de tel contrat. Cela permettra également de promouvoir cette technique juridique qui gagne à être connue.
En ce qui concerne les conditions de forme, l'acte sous forme authentique semble s'imposer pour des questions de sécurité juridique et notamment si le contrat de fiducie concerne un bien immeuble ou un droit réel. La liste complète des mentions obligatoires devant figurer sur le contrat se trouve à l'article 2018 du Code civil.
Le contrat de fiducie doit ensuite être enregistré au service des impôts. En matière d'immeuble le contrat de fiducie doit être publié au service de la publicité foncière ainsi qu'au registre national des fiducies.
V - Quels sont les droits des créanciers par rapport au contrat de fiducie ?
Les créanciers du constituant et qui sont chirographaires semblent perdre le droit de saisir les biens placés en fiducie du fait du transfert de propriété apparent au fiduciaire, hors l'hypothèse d'une fraude expressément prévue par l'article 2025 du Code civil (action paulienne).
En revanche, les créanciers bénéficiant d'une sureté sur les biens placés en fiducie conservent la possibilité de saisir lesdits biens.
Pour les créanciers du fiduciaire, ces derniers ne peuvent pas saisir les biens fiduciés car le fiduciaire possède un patrimoine distinct du patrimoine contenant les biens fiduciés. Or ses créanciers ne peuvent atteindre que le patrimoine personnel du fiduciaire.
En revanche, les créanciers de la fiducie, ceux dont la créance est née à l'occasion de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiducié, peuvent saisir les biens qui s'y trouvent. Si leurs créances sont supérieures à la valeur des biens fiduciés, le législateur leur permet de saisir les biens personnels du constituant. Les parties peuvent bien entendu aménager cette règle et l'exclure avec l'accord du créancier de la fiducie.
D'autre part, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire au profit du fiduciaire n'affecte pas le patrimoine fiduciaire.
VI - La fin du contrat de fiducie.
Selon l'article 2029 du Code civil, le contrat de fiducie prend fin lorsque le but fixé est réalisé, lorsque le constituant personne physique décède ou encore lors de l'arrivée du terme. Ce qui prend fin n'est pas le droit de propriété mais le patrimoine fiduciaire qui va alors être transmis au bénéficiaire, selon les dispositions contractuelle.
Le contrat de fiducie prend également fin lors de disparition du fiduciaire ou d'absence de bénéficiaire. Dans ces deux derniers cas, la disparition de la fiducie n'est pas automatique car les dispositions contractuelles peuvent permettre au constituant de nommer un nouveau bénéficiaire ou un nouveau fiduciaire.
Auteur : Olivier Lafont
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